mardi 3 novembre 2009

Entrevue avec Patrick Norman


Qui a dit que cinquantaine ou soixantaine
rime avec retraite? Bien que la
plupart des citoyens et citoyennes la prenne
lorsqu’ils sont dans ces tranches d’âges,
certains font exception à la règle. Prenez
par exemple, Michel Louvain, Jean-Pierre
Ferland, Ginette Reno, Jean Lapointe ou
encore certains hommes politiques, qui à
leur manière, marquent le monde. Le
chanteur Patrick Norman s’inscrit dans la
catégorie de gens pour qui le mot retraite
n’a aucune signification! Après 40 ans de
métier, 27 albums personnels et un DVD, le
chanteur possède encore la passion de son
métier et souhaite par-dessous tout de
continuer à toucher les gens et à entrer
dans leur quotidien. Rencontre avec un
homme simple, attachant, talentueux et
qui n’a aucunement l’intention de remiser
son micro au placard!

MCP- Vous cumulez à ce jour, plus de
40 ans de métier qui se résument à 27
albums, et ce, sans compter les projets
spéciaux auxquels vous avez collaboré. La
majorité de ces albums sont composés de
chansons originales. Comment faites-vous
pour vous renouveler de chansons en
chansons et d’albums en albums?

PN- C’est drôle parce que c’est exactement
la question que je me suis posée avant de
réaliser mon plus récent album qui
s’intitule Comment le dire. J’était conscient
que lorsqu’on écrit beaucoup de
chanson, on dit très souvent « je t’aime ».
On parle toujours de la même chose,
les thèmes changent, mais on aborde toujours
les mêmes sujets : l’amour, les
émotions,etc. Ce n’est pas facile, on a
l’impression de se répéter constamment. Je
me suis demandé « comment je pouvais
encore dire je t’aime pour que ça sonne
comme si c’était la 1ere fois que je le
disais?». On le dit tellement de différentes
façons, qu’on cherche toujours de
nouvelles façons de le verbaliser ! Alors,
c’est de là que part mon album Comment le
dire! Le fil conducteur de cet album-là, je
dirais que c’est la quête d’un monde
meilleur. Je parle de choses qui sont très
personnelles et importantes pour moi. Il y
a aussi beaucoup de vécu évidemment sur
ce disque-là , car j’ai célébrer mon 63e
anniversaire, le 10 septembre dernier.
D’ailleurs, ma femme, qui a été la première
à entendre le produit final, m’a dit que
c’était l’oeuvre qui me représentait le
mieux. Plusieurs chansons sont autobiographiques
comme J’ai le temps de
pleurer, qui est assez triste, car j’aborde la
mort de mon père et je parle de mon
impuissance face à la misère et à la
souffrance humaine. Toutefois, il y a aussi
beaucoup de bonheur et plein d’amour
également sur cet album-là.

MCP- Au début de votre carrière, vous étiez
d’abord reconnu comme un chanteur
country, puis au fil des années (et des
albums), votre style a évolué pour se
diriger vers celui que vous adoptez
actuellement soit un peu plus populaire.
Qu’est-ce qui a motivé cette transition?

PN - J’ai commencé comme chanteur
de charme de style crooner. Mon
premier succès est arrivé en 1973
avec Mon coeur est à toi et ensuite
j’ai interprété la chanson thème
du film Papillon en 1974-1975
qui fût enregistrée en français,
en anglais en espagnol. Cette
chanson-là a fait le tour du
monde à l’époque. J’ai fait un
hit dans le disco avec Lets try
once again .Tout de suite après,
j’ai participé à une émission avec
Renée Martel, qui s’appelait d’ailleurs
Patrick et Renée et c’est à ce
moment-là que je suis tombé dans le
country. Les gens me perçoivent peut-être
comme un chanteur country, oui, mais je
ne fais pas que ça. Je fais aussi plein d’autre
chose et dans ma tête, je n’ai jamais fait
d’album country sauf Hommage à Kenny
Rodgers. Pour moi, je chante des chansons
tout simplement. Je sais que le country à
une grosse influence car j’ai grandi avec ça,
alors il y aura toujours un petit quelque
chose dans ce que je fais qui nous amènera
là, mais je pense que c’est un peu le cas de
tous les Nord-Américains. Le country, c’est
la musique qui nous représente vraiment,
que ce soit aux États-Unis ou ici Québec.
C’est certain que ce n’est pas une musique
qui arrive d’Asie ou d’Europe, mais directement
de nous! C’est ça le country.

MCP- Vous avez débuté votre carrière
musicale à l’âge de 8 ans, soit en 1954, en
participant à l’émission les découvertes de
Billy Monro à la radio montréalaise CKVL.
Depuis ce temps et tout au long de votre
carrière, la technologie a beaucoup évoluée
avec la venue des disques
compacts, l’Internet et les DVD entre
autres. Comment Patrick Norman a-t-il
réussi à apprivoiser ces nouveaux moyens
de communications?

PN - C’est vrai que les derniers vingt ans
ont été une explosion de technologie.
On n’utilise plus les mêmes méthodes d’enregistrements
aujourd’hui qu’on le faisait
autrefois. Quoi que moi j’y reviens avec
mes deux albums Plaisir de Noël et un sur
lequel je travaille actuellement. On revient
un peu à l’analogue pour aller chercher une
certaine chaleur. J’aime bien retrouver une
certaine texture sur mes albums, texture
qu’on ne retrouve malheureusement pas
dans le numérique. Je dirais que mon
adaptation à ces nouvelles technologies
s’est fait petit à petit. J’ai été exposé à cela
au fur et à la mesure que ça se présentait,
donc je n’ai pas eu à apprendre ça tout d’un
coup. L’apprentissage s’est bien déroulé et
ça fait déjà une bonne quinzaine d’années
que je me suis acheté des enregistreuses
numériques et que je m’en sers quotidiennement
à la maison.

MCP- En plus de vos albums musicaux,
vous avez aussi lancé votre DVD intitulé Tu
peux frapper à ma porte le 30 janvier 2007,
qui depuis a d’ailleurs été consacré double
platine. Premièrement, quelle a été votre
réaction lorsqu’on vous a parlé du projet et
deuxièmement est-ce que l’ambiance du
spectacle dans lequel la captation DVD
a été réalisée était différente des autres
spectacles que vous avez donné par la suite?

PN - Premièrement, c’est moi qui aie
décidé de produire le DVD et par
conséquent, je suis mon propre producteur!
Deuxièmement, la soirée de captation
a été magique! Je n’ai jamais répété ce
spectacle-là par la suite, ça été vraiment un
moment unique que l’on a immortalisé sur
DVD . On avait invité pour la captation du
spectacle quelques centaines de personnes
par le biais de mon site Internet à venir
nous rejoindre au Théâtre de la ville à
Longueuil. On les a reçu avec un repas, une
bouteille de vin, bref on a crée un bel
atmosphère. Ces gens-là étaient nos invités
et j’ai monté un spectacle spécial pour cette
soirée-là à partir des chansons qui me sont
le plus demandées! Je n’ai fait que ces
chansons-là, mêmes que je n’ai pas eu le
temps de toutes les faire. C’est d’ailleurs la
raison pour laquelle on retrouve des à côtés
sur le DVD, où je fais une demi-heure de
demande spéciale assis sur un tabouret
dans la foule et où j’interprète les succès
qu’elle souhaite. J’avais même amené 23 ou
25 guitares qu’on avait installées partout
dans les décors en arrière. Il y a aussi
l’instant où je chante avec mes deux filles,
une chanson de Cat Stevens, Father and
Son. Je chante aussi avec ma famille,
mes filles, ma soeur, mes frères et
ma maman une chanson que j’ai
interprétée aux funérailles de
mon père, un grand succès de
John Denver, Back home
again. Sur le DVD, on visite
également l’usine des guitares
Boucher, guitares québécoises
que j’utilise toujours. Ce sont
des guitares extraordinaires.
On voit donc comment elles
sont fabriquées et par la suite
j’ai un entretien avec Robert
Laurin, le fameux policier qui a composé
Quand on est en amour, Elle s’en va et
plusieurs autres de mes succès. Bref, c’est
vraiment un intournable à posséder
absolument!

MCP - Au début des années 1980, vous avez
enregistré un album hommage à Kenny
Rodgers. Quelle influence ce grand
chanteur a-t-il eu sur votre carrière?

PN - Kenny Rodger a a été pour moi une
influence parmi tant d’autres. Il y a eu pas
mal l’influence de tout le monde, mais
Kenny Rodgers était la vedette des années
1980, fin 70 et moi j’avais plusieurs de ces
albums chez nous et je l’aimais beaucoup.
J’aimais aussi les musiciens qui travaillaient
avec lui. L’album hommage a marqué
le début de ma «nouvelle carrière». En
effet, quand j’ai réalisé cet album-là, je
me relevais d’une faillite, je crevais
littéralement de faim et j’ai vendu la
maison que je possédais sur la Rive-Sud et
avec le 15 000$ que j’en ai tiré, j’ai produit
l’album hommage à Kenny Rodgers. Çe
projet-là m’a donc permis de garder la tête
hors de l’eau, parce que je me relevais d’un
divorce, d’une faillite et de toute sorte de
choses. C’était une période très noire dans
ma vie et mes parents sont venus me porter
à manger dans ce temps-là. Kenny Rodgers
me rappelle un peu cette période-là, mais
pas dans le sens négatif, mais dans celui où
je crois profondément qu’il fallait que je
passe par là dans ma vie. Ça a déclenché un
peu mon processus d’écriture. Je n’écrivais
rien avant ça, j’interprétais seulement la
musique et les chansons des autres,
mais avec ce « down-là», j’avais besoin d’extérioriser
des choses et c’est là que j’ai
commencé à adapter en français les
chansons qui me touchaient et qui venaient
me chercher. Ça a donc été bénéfique pour
moi de vivre ces boulversements-là au bout
du compte!

MCP - Vous avez 63 ans et il y a quelques
mois, vous avez été contraint d’arrêter
vos activités professionnelles après avoir
vécu un burn-out. Heureusement, pour
le plus grand plaisir de vos admirateurs,
vous êtes aujourd’hui de retour en
grande forme. Comment avez-vous
repris le dessus sur cette maladie qui
touche chaque année plusieurs dizaines
de québécois(e) s ?

PN - C’est comme reprendre le dessus
sur une grippe, un moment donné tu
guéris. Tu te sens bien, tu te sens mieux
et on reprend nos affaires. J’étais fatigué
tout simplement.

MCP - Il faut voir une certaine discipline
de vie pour faire partie du domaine artistique.
Les horaires astreignants souvent
composés de « sound check», d’entrevues
et de spectacles sont très exigeants.
Avez-vous développé certaines habitudes
avez les années pour garder la cadence?

PN - Je mène une bonne vie, je ne fais pas
d’abus dans rien. Je ne fais pas de vocalise
et d’exercices vocaux , mais je suis actif
physiquement. Je vais marcher autant
que je le peux, je fais de la raquette l’hiver,
du ski de fond et du vélo pendant l’été.
J’essaie d’être le plus actif possible, mais
je n’en fais pas une discipline, une routine
et une obligation. Je ne focusse pas
toujours là-dessus non plus.

MCP - Vous comptez à la grande du
Québec et même ailleurs dans le monde
de nombreux fans. Au cours de votre carrière,
vous avez touché les gens grâce à
plusieurs de vos succès comme Quand
on est en amour, Elle s’en va, La Guitare
de Jérémie, etc. Plusieurs artistes ont
repris quelques-uns de vos succès.
Qu’est-ce que cela vous fait de savoir que
certaines de vos chansons connaissent
un second souffle et touchent de nouvelles
générations?

PN - C’est plaisant, c’est certain. C’est
flatteur, mais surtout de savoir qu’on
peut toucher encore les gens après 40 ans
de métier, c’est un grand privilège de
vivre ça. Ça me rappelle que je n’ai pas
seulement eu une carrière de deux, trois
ou quatre ans où j’ai été oublié après, au
contraire. Je n’ai pas été un feu de paille
et ça me rend fier. Après 40 ans je réalise
que je fais partie des familles, je suis dans
les événements importants : mariage,
baptême, funérailles et les anniversaires
de mariage . Il y a plusieurs de mes chansons
qui sont entrées dans le quotidien
des gens et ça c’est la plus belle des
récompenses. Le plus beau compliment
qu’on puisse me faire, c’est que j’ai
redonné le goût de jouer de la guitare à
quelqu’un qui n’avait pas touché à son
instrument depuis 5 ou 10 ans! Quand on
me dit ça, je me dis: mission accomplie!
Je suis content de constater qu’il y a une
petite place pour moi dans le coeur des
gens, des jeunes adultes qui me disent
que je fais partie de leurs souvenirs d’enfance
et que je ferai partie de ceux de
leurs enfants!

MCP - En terminant, pour certaines personnes
le mot retraite ne fait pas partie
de leur vocabulaire. Faites-vous partie de
ces personnes?

PN - Absolument. D’ailleurs, comment
ça s’écrit ce mot-là? Non, pour moi prendre
ma retraite signifie arrêter de chanter
et de jouer de la musique et c’est impensable.
C’est comme décider qu’à partir de
telle date, j’arrête d’être heureux, c’est
impossible! Je veux le faire tant que je
vais le pouvoir et que ma santé va me le
permettre. Je ne me vois pas faire autre
chose de toute façon!

MCP - Après 40 ans de carrière et plus de
27 albums, que peut-on souhaiter à
Patrick Norman?

PN - On peut me souhaiter pleins de
choses mais peut-être de continuer
longtemps encore, de faire des albums. Je
me souhaite toujours que les gens s’intéressent
à ce que je fais parce que je suis
vraiment sincère dans cette démarche-là.
C’est un besoin pour moi, je dois chanter
et toucher les gens grâce à ma musique!

Pour obtenir plus de renseignements sur
ce chanteur inspirant, rendez-vous au
www.patricknorman.ca. En terminant, je
souhaite remercier chaleureusement
Patrick Norman pour sa grande gentillesse
et sa simplicité de même que son
gérant Daniel. A. Bélanger pour sa précieuse
collaboration. ■