mardi 8 décembre 2009

Entrevue avec Louise Cousineau


Hommage à mon mentor: La journaliste Louise Cousineau!

Avez-vous déjà eu dans votre vie quelqu’un qui vous a influencé positivement et avec qui vous partagé une relation très spéciale? Aujourd’hui est une journée très importante pour moi, parce que la personne avec qui j’ai réalisé cette entrevue fait partie de cette catégorie. En effet, l’ancienne chroniqueuse de La Presse, Louise Cousineau est en partie responsable de mon choix de carrière. À 17 ans, elle m’a prise sous son aile et m’a fait réaliser que le journalisme est le plus beau métier du monde! En plus d’avoir joué le rôle de coach, de mentor et de guide dans ma carrière, elle joue aussi celui d’amie, de confidente et de conseillère dans ma vie. Rencontre avec une femme intéressante et intègre qui est un modèle pour la jeune journaliste que je suis!

MCP-Vous avez commencé à travailler dans le domaine du journalisme de façon assez originale, soit en tombant d’une montagne. Expliquez-nous exactement les circonstances de l’accident qui a changé votre destin à jamais?

À 18 ans, je suis partie une fin de semaine complète au Mont Washington avec des amis. Le lendemain de notre arrivée, nous avons décidé de faire de l’escalade sans équipements! Tout a bien été pour la montée, mais on ne peut pas en dire autant de la descendre. Pour faire une histoire courte, disons que j’ai perdu pied et que je suis tombée de 2000 pieds de hauteur! Bien sûr, j’étais blessée (tous les ligaments de mon corps étaient brisés) et je suis revenue chez ma mère à Montréal qui prenait soin de moi. Mon voisin d’en dessous était optométriste et il a parlé de mon aventure un jour à un de ses clients journaliste. Il a été impressionné et lui a demandé mes coordonnées pour avoir une entrevue. Durant celle-ci, le journaliste m’a demandé ce que je voulais faire dans la vie et j’ai répondu comme vous! Depuis ce temps-là, je n’ai jamais fait autre chose de ma vie!

MCP- La majorité des personnes âgées de 50 ans et plus vous connaisse comme une chroniqueuse télé ayant travaillée pour le quotidien La Presse. Décrivez-nous en quoi consistait votre travail exactement et combien d’heures y consacriez-vous?

Dans mon livre à moi, un bon chroniqueur télé se doit de voir toutes les nouvelles émissions et séries, afin d’évaluer si cela s’améliore ou se détériore. Finalement, je travaillais 7 jours sur 7. Je n’ai jamais compté mes heures, mais quand on aime ça, on aime ça! Peu à peu, je me suis faite une réputation. Saviez-vous que le travail de chroniqueur télé à La Presse a passé très proche d’être aboli après le départ de la personne qui occupait ce poste parce qu’il était en conflit d’intérêt? Mon patron hésitait à rouvrir le poste et encore plus à ce que j’applique dessus. Entre temps, les journalistes de La Presse sont tombés en grève et là on pouvait faire les chroniques qu’on voulait. J’ai donc fait mes premières chroniques télés au Quotidien Populaire. En revenant, j’ai postulé sur le poste de chroniqueur télé, qui était un poste défini dans la convention collective. Mon patron de l’époque m’a dit quelque chose qui m’a tellement insultée soit : pas question que je mette une bonne journaliste pour couvrir les niaiseries de la télévision! Nous nous sommes mis d’accord pour que j’aie une période d’essai de 6 mois et il a constaté par la suite que j’avais un certain succès et que mes chroniques étaient lues. J’ai fait ça avec un immense bonheur pendant toutes ces années-là!

MCP- Est-ce que le fait que vous deviez parfois blesser certains ou certaines artistes en les critiquant de façon négative, pesait-il lourd sur vos épaules parfois ou si vous avez fini par vous en accommodez ?

C’est toujours lourd à porter, je ne suis pas une personne qui aime faire de la peine. Mais, quand tu es critique et que tu vois des émissions abominables tu te dois de le dire! On ne fait pas ce métier-là pour se faire aimer. On doit avoir un tempérament spécial pour faire ce métier. On doit être capable d’entrevoir une vie où on n’aura aucun ami dans la «business». Les gens vont être polis avec toi parce que tu es journaliste, mais ça va s’arrêter-là! Il faut être capable de dénoncer les choses controversées du métier sans avoir peur aux poursuites. Parce que quand on a peur, on ne fait pas grand-chose!

MCP- En tant que chroniqueuse télé, vous aviez accès aux nouvelles séries télé avant tout le monde, comment était-ce d’être payer pour regarder la télé?

C’est extraordinaire. Il y a des jours où on trouve qu’on n’est pas assez payé tellement c’est mauvais. Je l’ai souvent dit en blague, mais sérieusement, je n’ai jamais été assez payé pour le nombre d’heures où je la regardais. C’est agréable jusqu’au moment où tu as des invités à la maison un dimanche soir et que tu dois les mettre dehors pour écouter un programme ou que tu dois regarder une émission mauvaise et qu’ils savent que tu dois l’écouter jusqu’à la fin et qu’ils sacrent leur camp avant! Ça faisait des froids parfois. Mais, c’était très agréable d’avoir les émissions d’avance surtout pour des séries. Il y a des plus et des moins dans ce métier-là. La venue de l’enregistreur numérique a changé ma vie et mon métier! On sauve du temps et de l’espace avec ça. Vive la technologie!

MCP- Vous êtes actuellement en congé de maladie depuis un certain temps déjà. Est-ce que le mot retraite commence à avoir une signification pour vous?

Oui. Depuis que je suis en congé de maladie, j’ai plus le temps de profiter un peu de la vie, malgré mes nombreux bobos. Je vois mes petits-enfants quand je veux et je n’ai plus assez de temps dans mes journées. Ça fait des années que je suis déménagée et je recommence à déballer des boîtes. Je trouve des livres que je n’ai jamais lus, des disques que je n’ai jamais écouté, etc. C’est sûr que je m’ennuie de mon métier, de faire des chroniques, de mes lecteurs, mais en même temps je ne retournerais pas. Toute ma vie à l’époque était concentrée sur mon travail. Alors ça fait du bien, de profiter un peu de mon temps libre et de faire des choses qui m’intéressent et que je n’ai jamais eu le temps de faire! À 72 ans, je crois que j’ai le droit!

MCP- Vous et moi avons une relation particulière de type mentor/mentoré et vous avez influencé de façon directe mon choix de me diriger en journalisme. Avez-vous vous aussi été guidée ou coachée par un journaliste de renom au début de votre carrière ou qui est la personne qui a joué un rôle essentiel dans votre choix de carrière?

Oui, c’est sans contredit le journaliste qui est venu me passer en entrevue après ma chute. J’ai toujours rêvé de devenir journaliste, mais je ne savais pas comment procéder pour y arriver. Je n’avais pas de journaliste dans ma famille. Ça vraiment été mon accident qui a été l’élément déclencheur à ma carrière. Je n’en reviens pas encore! Je remercie Guy Lemay (qui doit sans doute être mort aujourd’hui) car il a cru en moi et Jean-Charles Harvey, le grand écrivain de gauche qui prenaient les textes que j’écrivais et qui les recorrigeait. Les mots de trop tombaient, les qui et les que, ça sortait tellement épuré. Quel grand homme! C’est rare de rencontrer des personnes qui ont une influence comme celle-là dans une vie. On doit remercier la providence quand ça arrive!

MCP- Lorsque vous prenez du recul et que vous regardez votre carrière dans sa totalité, de quoi êtes-vous la plus fière?

C’est difficile à dire, mais je crois que c’est d’être resté intègre. Je n’ai jamais fait de compromis là-dessus. Je sais que j’ai fait de la peine à du monde, mais je me devais de le dire. Sinon, j’aurais perdu mon respect de moi-même. J’ai toujours essayé de critiquer négativement une œuvre, mais jamais une personne. J’étais capable de reconnaître que tel acteur avait été mauvais dans telle œuvre, mais que dans telle autre il était exceptionnel! Il ne faut jamais mépriser quelqu’un ou l’écraser. Il y a des gens qui le prennent très mal, très personnel. Je me suis déjà fait accosté au guichet automatique à 1h00 du matin près de chez nous par un ancien réalisateur de Radio-Canada que j’avais critiqué négativement et qui m’en voulait encore. On a jasé et finalement, je m’en suis sortie sans égratignure!

MCP- Comment réagissez-vous quand on parle de vous de façon négative ou qu’on vous caricature comme dans l’émission Et Dieu créa Laflaque?

Ça m’a tellement fait de peine! D’abord, parce que c’est dessiné par un collègue de La Presse et deuxièmement parce que les patrons de La Presse de l’époque ont donné leur accord! Ce que je n’ai pas aimé c’est qu’ils ont permis que mon collègue me caricature et m’attaque d’une certaine façon. Il faut dire que je n’ai jamais été une admiratrice du personnage de Gérard D.Laflaque. Honnêtement, je le trouvais épais et Serge Chapleau ne me l’a jamais pardonné! J’ai vraiment trouvé ça effrayant. Surtout qu’à cette époque, j’étais malade, déprimée et je n’allais pas bien du tout. Je ne le prends toujours pas aujourd’hui et je ne trouve vraiment pas ça drôle. Heureusement, les gens qui me connaissent et ceux que je rencontre dans la rue, ont complètement dissocié le personnage de moi. Ils ne me méprisent pas à cause de ça. Mais bon, je ne peux rien faire, alors je dois vivre avec! Pour citer un grand homme d’affaires québécois, Pierre Péladeau, « tout le monde a trouvé ça drôle sauf moi!».

En terminant, je désire remercier sincèrement Louise Cousineau d’avoir accepté cette entrevue. Merci pour votre gentillesse, votre patience et surtout votre grande présence à mes côtés et dans ma vie. Merci de me conseiller et de me donner le courage de foncer! Si je réussis tout au long de ma carrière à conserver mon intégrité comme vous avez su le faire, je pourrais aussi dire dans 40 ans mission accomplie!

Aucun commentaire: